Petite histoire de Reynier et de son église (publiée avec l’aimable autorisation du commandant Guérin)
Un hameau du nom de Reynier, n’apparaît dans l’histoire de Six-Fours, que bien après l’an mille en même temps que d’autres hameaux, en général des exploitations agricoles, souvent désignés sous le nom d’un personnage ou d’une famille tels que : Garnaud Julien Chrestian... et bien d’autres disséminés sur plateaux et plaines.
Mais le site qui devient Reynier, était connu depuis plusieurs siècles déjà, car dès l’antiquité sa position géographique privilégiée en avait fait un carrefour important de chemins qui deviendront plus tard des rues et des routes. Les Phocéens puis les Romains avaient tracé ces voies pour relier, entre eux, les centres importants de population à caractère militaire ou commercial ; un de ces chemins, parmi les plus importants, reliait Ollioules à Tauroention (Le Brusc) et, au passage s’accrochait au flanc est de la colline sous le village fortifié de Sex Furni (Six-Fours) ; au pied de la colline vers le sud, ce chemin rencontrait ceux se dirigeant vers Tello Martius (Toulon), Saint Nazaire, La Lone, La Sagno (La Seyne), Cépé.. .Ce carrefour deviendra hameau, village, bourg, et son importance en fera le centre administratif de la communauté six-fournaise lorsque le vieux village, là-haut, fermera ses dernières portes.
A l’opposé, sur le versant Nord de la colline, un autre chemin reliait Sex Furni à Saint Nazaire et bien au-delà vers La Cadière, La Ste Baume.
Il croisait d’autres chemins en un lieu qui deviendra Les Playes, autre carrefour important.
Ces chemins en calades, pavés de grosses pierres montrent encore de nombreux vestiges, soit à flanc de colline dans leur état d’origine, soit dans les plaines où leur tracé a été conservé pour créer des voies modernes : chemin des Négadoux, de St Martin, ancien chemin du Brusc, chemin de la Calade qui traverse les Playes et que l’on appelait «Lou camin roumiou de Santo Madaleno» (le chemin romain de Ste Madeleine).
La calade du Brusc atteignait les basses terres au milieu de marécages couverts de roseaux qui occupaient tout le vallon depuis les Lones jusqu’à La Sagno (La Seyne).
Après de très dures périodes d’invasions et d’insécurité, les six-fournais purent enfin, souvent avec l’aide, les conseils, l’expérience des moines de St Victor se consacrer à l’exploitation de terres; ils surent assainir des marécages, créer des zones de cultures, construire un habitat puis des hameaux dont un, le plus important, prendra le nom de Reynier, compte-tenu de la présence en ces lieux de multitudes de petites grenouilles, ranas ou reinettes. De nos jours, il n’y a plus guère de reinettes, mais çà et là, subsistent encore des touffes de roseaux pour rappeler la nature humide du sol.
L’endroit était malsain, les eaux croupissantes étaient cause de maladies et de fièvres souvent mortelles, aussi la vie des habitants de Reynier-les-Six-Fours ne devait pas être tous les jours facile, d’autant plus que les activités administratives et religieuses étaient concentrées au village de Six-Fours et se rendre là-haut, par les chemins de l’époque, était pour le moins pénible !
Vers le milieu du 17ème siècle, on pensa qu’il serait fort utile d’avoir une église à Reynier, alors on chargea un notable, le sieur Charles Guigou, fermier, d’entreprendre les démarches nécessaires, ce qui fut fait avec succès puisqu’en juillet 1646 l’évêque de Toulon autorisa l’édification d’une chapelle sous le vocable «Notre Dame de Santé» l’acte de fondation fut signé le 30 juillet 1646, les conditions fixées étant les suivantes : «...dans laquelle le clergé de Six-Fours fera un service de messe chaque dimanche de l’année. Le prêtre sera toujours choisi parmi les membres du clergé paroissial de Six-Fours (paroisse St Pierre). Pour la dot de cette fondation, le sieur Guigou s’engage à verser une pension annuelle et perpétuelle de trente livres pour le service des messes ».
Plus tard, les habitants des quartiers sud de la commune jusqu’au Brusc, se plaignirent de difficultés qu’ils éprouvaient pour obtenir les sacrements ou se rendre à la messe en semaine à Six-Fours. Une demande adressée à l’abbé de St Victor, seigneur spirituel et temporel de la communauté n’ayant pas eu de suite, les habitants nommèrent trois syndics, les sieurs Pécouil, Fabre et Martinenq lesquels présentèrent une requête auprès de l’évêché de Toulon afin que soit prononcée l’érection d’une succursale de la chapelle de Reynier, et ainsi, n’être plus exposés à la privation de sacrements notamment à l’égard des enfants dont plusieurs meurent sans baptême, et des personnes très malades qui ne peuvent recevoir les derniers sacrements. Suite à cette demande, une enquête fut prescrite afin de dénombrer la population et mesurer les distances, en toises, entre les divers quartiers et le village de Six-Fours. Cette enquête n’était pas du goût des gens d’en haut, aussi, les consuls de la communauté et les représentants de l’abbé de St Victor ignorèrent superbement cette enquête qui donna cependant les résultats suivants : pour le bas, 52 quartiers dénombrés et, environ mille quatre cents personnes, alors que là-haut, au vieux village, il ne reste qu’environ deux cent cinquante habitants ; Le Brusc comptait cinquante habitants et Reynier, soixante et un. L’affaire fur portée devant le conseil du parlement d’Aix qui décida le 17 mars 1777 qu’il était normal qu’une succursale soit érigée à Reynier, aux frais de la communauté et que l’on pouvait faire établir le devis. Monseigneur de Lascaris, évêque de Toulon, rendit l’ordonnance portant érection de la succursale dans l’ancienne chapelle Notre-Dame de Santé, après agrandissement, elle ne mesurait en effet que 14 m 80 de longueur pour une largeur de 5 m 40 et comprenait en outre une chapelle St Clair et une sacristie.
Le 4 août 1777, l’architecte Bourgarel fut désigné pour établir plans et devis, la nouvelle église devant englober l’ancienne. Le plan approuvé, on pouvait commencer les travaux mais, c’était compter sans la mauvaise volonté des gens «d’en haut» qui ne voulaient pas plus qu’auparavant entendre parler de succursale. Les consuls et le clergé de la collégiale enclenchèrent une procédure d’obstruction qui amena les deux clans au bord d’une guerre civile !
Quelques années plus tard, les habitants d’une quarantaine de quartiers, disséminés autour de Reynier, se plaignirent qu’ils n’entendaient pas la cloche et réclamèrent la construction d’un clocher, ce qui fut fait en 1838 et, dans ce clocher enfin achevé, il fallait y mettre des cloches ! Le 12 août 1838, on procéda donc à la bénédiction de deux nouvelles cloches, une de 16 quintaux, dédiée à la Ste Vierge, l’autre de 10 quintaux, dédiée au St Esprit. Pour embellir la paroisse, un orgue fut acheté, en janvier 1844. En 1845, la population était de 1900 âmes et l’on s’aperçut que l’église de Reynier était devenue trop petite : on décida de l’agrandir du côté Nord en ajoutant un arceau coupé en son milieu par une tribune et l’on ajouta également des fonts baptismaux. Les travaux furent achevés en 1845 et l’église avait alors la surface de l’église actuelle. Quelques années auparavant, une chapelle avait été construite contre le flanc Ouest de l’église sur la demande des demoiselles de la Congrégation qui souhaitaient avoir leur chapelle particulière; cet édifice fut béni le 22 octobre 1837 et dédié à la Sainte Vierge sous le vocable de l’Immaculée Conception.
En 1855, on créa un vicaire à Reynier du fait que la population de plusieurs hameaux, dépendant autrefois de la paroisse Saint Pierre, fut rattachée à la paroisse de Reynier par suite de la création de plusieurs voies de communication.
En juillet 1859 un nouvel autel de marbre fut mis en place par les soins de Mgr Car de Toulon; cet autel fut béni le 29 avril 1860 et dédié à Notre Dame de l’Assomption. Il fut démonté après Vatican 2 : une partie de ses éléments a été conservée à Reynier, la plaque commémorative de la bénédiction a été transférée à la Collégiale.
Une nouvelle cloche fut installée en 1861 en remplacement de celle de 1783, elle fut bénie le 15 septembre et reçut le nom de Marie-Gabrielle.
En 1865, l’église de Reynier subit une restauration importante, sous la direction d’un architecte ; deux maîtres-maçons, Romain Guis et Elzéard Guis, réalisèrent les travaux : remplacement de la toiture, rehaussement des murs de la nef centrale, relèvement des six fenêtres, agrandissement de la porte et des fenêtres, réfection de la tribune. Une nouvelle chaire de style rococo fut installée et bénie le 26 septembre 1897 par Mgr Agarra, vicaire général.
Le 19 décembre 1906, après promulgation de la loi de séparation, le conseil de fabrique donna sa démission.
Dans les années qui suivirent, sont à noter certains embellissements : dons de tableaux et peintures murales, dans le choeur, sous la direction de l’abbé Patriti.
En 1944, les combats de la libération occasionneront quelques dégâts : le 22 août, l’église fut transpercée par deux obus au-dessus de l’autel !
Depuis 1777, 32 prêtres se sont succédés pour le service de cette église.
Maintenant, face à l’augmentation considérable de la population, l’église de Reynier paraît bien modeste. Aussi une nouvelle église, vaste, moderne, a été édifiée, mais «Notre Dame de Santé» qui a tellement marqué la vie de Reynier-les-Six-Fours sera aussi conservée.